• Elisabeth Duwelz

     

    Elisabeth DuwelzNombreux sont celles et ceux, habitant Enghien ou de passage, et venant visiter la cité des Titjes, qui par un dimanche de la bonne saison ou un jour de fête religieuse, nationale ou locale, ont ouï, sans pour autant savoir qui était au clavier, les harmonieuses sonneries du carillon. Ce carillon, fort de 51 cloches est l'un des plus importants de Belgique ; il se trouve dans la tour hennuyère de l'église décanale Saint-Nicolas d'Enghien (1).

    C'est ainsi que chaque dimanche du mois de mai à la fin septembre, depuis 1978, comme le stipule la délibération du Conseil Communal d'Enghien, Elisabeth Duwelz carillonnait depuis la fin de l'office de 10h jusqu'au début de celui de 11h30. Silencieusement et discrètement, elle se hâtait en compagnie de son frère, le porteur de la sacoche aux partitions, pour rejoindre par la petite porte à droite du chœur, dont ils étaient les rares à posséder la clef de l'escalier en colimaçon de 168 marches et les échelles de meunier qui donnaient accès au carillon.

    Cette première épreuve déjà très sportive était suivie d'un travail éreintant et périlleux (2), décrocher dans la charpente métallique portant les instruments, les tringles reliant les marteaux des cloches au carillon automatique (3) et accrocher celles des marteaux reliés aux claviers du carillon.

    De retour dans le local abritant les claviers (4), et après avoir installé ses partitions (5), elle s'équipait de mitaines (6) en cuir, indispensables pour actionner les touches.

    Quand tout était en place pour une heure de concert, elle jouait des morceaux inédits ou différents qu'elle transposait pendant ses temps libres de la semaine.

    Pour elle, c'était chaque fois un moment de pleine communion avec cette musique. Restait alors la toute aussi périlleuse opération de remettre le carillon automatique en service et libérer les lourdes cloches pour les sonneries d'annonce des offices.

    Mais qui était Elisabeth Duwelz ? Pour ceux qui comme moi, ont eu le plaisir de la côtoyer et de la rencontrer pour la préparation et la concrétisation de certaines manifestations à caractère musical, une femme de qualité, au savoir remarquable et toujours avide de découvertes et d'interprétations exceptionnelles (7).

    Née à Jemappes, aujourd'hui dans l'entité de Mons, le 28 août 1933, elle y passera sa vie. Après les études primaires, elle entame une formation artistique et musicale au Conservatoire Royal de Mons. Vers 1964, elle s'inscrit à l'école de Carillon de Mons, dirigée par Géo Clément (8), où elle décrochera avec brio le diplôme de carillonneuse.

    C'est auprès de ce maître de l'art campanaire qu'elle renforcera et complètera sa formation et passion pour cette forme d'expression.

    Pendant plus de quarante années, elle exercera aux claviers de nombreux instruments en tant que titulaire du poste de carillonneuse à Enghien, à Soignies, au beffroi de Mons, à La Louvière et à Braine-le-Comte.

    Elle était aussi membre de l'Association Campanaire de Belgique, ce qui lui ouvrira l'accès à des instruments exceptionnels comme le carillon de Bruges, de Wavre en tant qu'invitée d'honneur, de Douai, d'Arras, dans le Nord de la France.

     

    Elisabeth Duwelz

     

    Elle sera aussi l'initiatrice de la concrétisation, avec la collaboration de l'ARPAC (9), d'un instrument mobile qui distribuait des sons spécifiques et uniques, « Le Carillon Reine Fabiola ». Au gré des manifestations culturelles, ce carillon allait de ville en ville ; il fut plusieurs fois au centre de manifestations musicales organisées à Enghien.

    C'est dire, combien cette musicienne porteuse de différents titres honorifiques, était dévouée à cette cause ; faire aimer et écouter les cloches, mais aussi assurer la relève et leur maintien dans notre monde moderne, car elles dérangent certains.

    Pour preuve de sa volonté, vers 1995, elle passe au travers du plancher du clocher de l'église de La Louvière et termine sa chute sur le plancher du jubé! Heureusement, elle limita les fractures et sera à nouveau au clavier à peine quatre mois après cet accident.

    Mais sa passion l'entraînera dans de multiples organisations, comme chez nous « La Journée du Carillon », une animation mise sur pieds par le Service animation de la ville avec la collaboration des Guides Touristiques d'Enghien qui assuraient la partie historique et l'encadrement lors des escalades du clocher.

    C'est ainsi que le dimanche 15 juin 1997, la Ville d'Enghien a fait visiter le carillon au grand public, l'occasion de découvrir un des plus anciens instruments de ce type en Belgique. Des concerts furent proposés à 10 h et à midi, « concerts à quatre mains », par Elisabeth Duwelz et par Jean-Claude Molle, titulaire du carillon d'Ath, sa ville d'origine. Des visites guidées de l'instrument eurent lieu à 14, 15, 16 et 17 h.En 1998, cette activité à laquelle, étaient invités des carillonneurs amis, remporta un vif succès ; il y eut plus de 250 visiteurs. C'est elle aussi, qui acceptera dans le cadre d'une journée spéciale dédiée à cet instrument, d'inviter le « carillon mobile », de le placer dans le Parc, sur la pelouse devant les écuries et de réaliser un concert en duo avec l'instrument traditionnel dans le clocher, réalisation exceptionnelle, compte tenu des espaces séparant les deux jeux de cloches.

    Elle est décédée à Mons le 13 juin 2010. Ses funérailles ont été célébrées à Jemappes le 17 juin 2010, en l'église Saint-Martin. Elle repose au cimetière de Jemappes.

     

    (1) Depuis la construction de l'édifice, primitivement en bois au 14ème siècle, cette tour est mentionnée comme beffroi de la ville sans pour autant en porter officiellement le nom.
    (2) Le marteau de la cloche appelée le bourdon, la plus importante du carillon, pèse plus de 60 kg.
    (3) Le carillon automatique est un instrument électrique avec un tambour. Il a été installé après la restauration de l'église vers 1963. Il fonctionne comme une horloge activant aux heures et aux demi-heures les cloches pour interpréter deux mélodies distinctes en répétitions.
    (4) L'instrument d'Enghien se compose de trois claviers, deux à commande manuelle et un pour les pieds.
    (5) Pour interpréter un morceau sur le carillon, la carillonneuse devait transposer une partition classique en une composition propre au carillon d'Enghien, elle réalisait ce travail depuis de longues années.
    (6) Mitaine : gant dont les doigts ne sont pas fermés.
    (7) Elle jouera en 1994, au carillon de la collégiale de Nivelles, des airs de Verdi, de Chabrier, de Mendelssohn parmi d'autres.
    (8) Géo Clément (1902-1969) tournaisien de naissance est maître carillonneur, diplômé de l'école de Carillon de Malines et fondateur de l'Ecole de Carillon de Mons. C'est en 1934 à Amsterdam, après trois jours de compétition face aux Anglais, Américains, Français, Hollandais et Belges, que le disciple de Jef Denyn est sacré, grâce à l'interprétation de sa suite archaïque « Maître Carillonneur ».
    (9) ARPAC : Association Régionale de Promotion de l'Art Campanaire dont le siège est à Douai.

     

     

    Elisabeth Duwelz

    Elisabeth Duwelz aux claviers de son carillon mobile

     

    C’est un carillon, avec des cloches, monté sur un camion. Des fils en métal relient le clavier aux battants des cloches. Il y en a un beau dans le nord de la France. Mais le plus beau est en Hollande, joué par le violoniste du groupe d’André Rieu. Il est monté sur un camion Mack des années 60, plein de chromes, qu’on a fait venir d’Amérique. Il est énorme, trois fois plus grand que celui dont Elisabeth Duwez jouait à Lessines. Ce dernier a été construit par son frère soudeur, avec des tubes électriques pour la résonance des notes graves, et (au lieu de cloches) des boulons qui tapent sur des barres métalliques. Le son est donc un peu particulier, mais ça fonctionne !

     

     

    Sources :

    • Le Canard Folk ;
    • Bulletin du Cercle Royal Archéologique d'Enghien n° 67-68, décembre 2010 ; Jean Leboucq, 18 juin 2010 - Enghien a perdu sa carillonneuse attitrée - Elisabeth Duwelz [1933-2010].